L'Analyse du Cycle de Vie

lundi 28 mars 2022

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On vous interpelle dans la rue, et vous demande:

Je produis des stylos, pouvez-vous m'indiquer mon empreinte carbone ?.

Répondre à cette question n'est pas évident : comment sont fabriqués les stylos, quels sont les matériaux et transformations impliquées, d'où viennent-ils, où sont-ils vendus, sont-ils réutilisables, où finissent-ils leurs vie, etc. ?

Et si en plus, il vous demande

Parce que, voyez-vous, j'ai deux gammes de produits possibles, et j'aimerais comparer les deux options afin de choisir la meilleure ?

Comment faire ?

Le cadre méthodologique offert par l'"Analyse du Cycle de Vie" (ACV, ou LCA - Life Cycle Analysis) est une façon de répondre à cette question. Celui-ci a la particularité de comptabiliser l'empreinte environnemental sur toute la durée de vie du produit (par exemple, de la production du stylo jusqu'au dépotoir, en passant par les différents usages des consommateurs).

Ce cadre méthodologique comporte notamment une phase de calcul (aggregation des impacts environnementaux) qui semble, pour beaucoup, bien mystérieux : l'inversion de la matrice. Nous nous proposons d'élucider cette fameuse inversion.

Pour cela, nous commençons dans cet article par rappeler succinctement les principes de l'ACV. Nous nous concentrerons sur l'inversion de matrice dans un second article.

Le cadre

Concepts

Un des premiers points à élucider, lorsqu'on analyse un produit (par exemple, notre stylo), est sa fonction et l'unité associée : quel est l'usage considéré du produit ? Quel est le service rendu ? Comment le quantifier ? Pour notre stylo, c'est sans doute la distance écrite, mesurée en "centimètre-écrit". Une fois la fonction posée, il est possible de considérer différentes alternatives : par exemple, comparer quantitativement (kg CO2-eq / cm-écrit) un stylo à bille et une plume et encrier.

Ensuite, l'ACV considère le produit non pas en tant que chose (ce stylo que je tiens) mais en tant que faisant partie d'un système. Ce système contient notamment différentes étapes dy cycle de vie du produit, le plus souvent :

  • la construction du produit : quels sont les matériaux utilisés, et par quels processus sont-ils assemblés ?
  • son acheminement aux points de vente : quels sont les types de transports employés, et sur quelles distances ?
  • son usage : l'usage du produit nécessite-t-il un produit auxiliaire (par exemple, de l'encre), combien de fois peut-il être réutilisé ?
  • et sa fin de vie : le produit est-il recyclable ? compostable ? quelle proportion finit en décharge ?

L'analyste a pour responsabilité de compléter, préciser, raffiner chacune de ses étapes. C'est ce qu'on appelle " modéliser".

L'art de modéliser

Modéliser consiste à :

  • poser des choses, aussi appelées produits : par exemple, une certaine quantité de plastique, ou d'électricité, ou de capuchon de stylo bic.
  • poser des processus qui consomment des choses pour en produire d'autres : le procédé de thermoformage, de coloration de plastique, etc.
  • et relier les choses et les processus de manière cohérente : utiliser ce procédé de thermoformage pour traiter cette quantité de plastique et former ce capuchon.

Processus unitaire

Un processus unitaire est un processus dont les entrées et sorties ne sont connectées à aucun autre processus. On peut visualiser un processus unitaire comme sur le graphe suivant

processus unitaire

Ce graphe décrit

  • le processus unitaire considéré.
  • ses échanges avec la technosphère : ce sont les produits faisant partie du monde économique et technique qui sont consommés ou produits par le processus.
  • ses échanges avec la biosphère : ce sont les substances émises (captées) directement dans (depuis) l'environnement. Dans l'exemple, on a une émission directe de gaz à effet de serre (ce n'est en pratique pas aussi simple).

Il y a une hypothèse fondamentale dans la description d'un processus unitaire :

La relation entre les échanges (technosphère et biosphère) est linéaire. Autrement dit, produire 10 fois plus revient à consommer 10 fois plus et émettre 10 fois plus.

Liaison et aggregation des échanges avec la biosphère

Le plus souvent, l'analyste a à sa disposition une librairie de processus unitaires dans laquelle il peut piocher. Il doit ensuite lier les processus entre eux pour constituer un modèle complet.

modèle simple

Afin de calculer l'impact environnemental total, l'analyste doit sommer l'ensemble des émissions directes modélisées. Dans un cas simple, comme dans l'image précédente, cela se fait rapidement :

  • 1 unité de A
    • émet directement 1 kg CO2-eq
  • 1 unité de B
    • émet directement 5 kg CO2-eq
  • 1 unité de X
    • requiert 3 unités de A
      • soit 31=33 \cdot 1 = 3 kg CO2-eq
    • requiert 5 unités de B
      • soit 55=255 \cdot 5 = 25 kg CO2-eq
    • émet directement 2 kg CO2-eq L'impact total est donc 2+25+3=302 + 25 + 3 = 30 kg CO2-eq.

En pratique, les modèles sont beaucoup plus complexes. Ils peuvent notamment comporter des boucles : imaginer par exemple une centrale de production de gazole qui a besoin d'électricité produite par, entre autres, une centrale électrique fonctionnant au gazole. Dans ce cas, un calcul manuel simple n'est plus faisable.

modèle avec boucle

Conclusion

Dans cet article, nous avons :

  • présenté le cadre théorique de l'ACV : fonction, système, étapes du cycle de vie
  • décrit en quoi consiste la modélisation en ACV
  • touché du doigt la difficulté de comptabiliser l'impact total sur l'environnement à partir du modèle

Nous verrons dans le prochain article, comment résoudre le troisième point.

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